« Ah ça oui, avant, le passé, l’imparfait, le temps, c’est une époque qu’ils connaissent bien. Et moi, comment je fais, maintenant ? Et après ? Oui, demain ? Le futur ? Comment je vais faire dans la cour ? »
Chez Guilène (oui alors déjà il y ce prénom qui détonne face aux Cléa, Irina et autres Maya), on préfère les frites au tofu, on fait du pédalo plutôt que du paddle et on parle de gentillesse au lieu du « bienveillance » en vogue. Le soir on joue aux jeux de société en mangeant des biscuits et on rigole ensemble. Une joyeuse vie familiale qui ravit Guilène jusqu’à son entrée en 6è. Là, ça se complique : on le sait, au collège, on ne se fait pas de cadeaux et les vacheries sont de mises même entre BFF ! Déjà il faut s’approprier les codes (plus question de jouer : on s’assoit sur les dossiers des bancs au parc et on parle, en faisant mine de n’avoir pas remarqué les garçons installés non loin, même si c’est précisément pour eux qu’on est là !!!), mais en plus, il faut se fondre rigoureusement dans le moule. Avec son père qu’on a toujours pris pour son papy (il a 71 ans) et sa mère qui porte des ballerines plates au lieu de sandales compensées, Guilène va être la cible des moqueries, les copains rigolent de ses vieux parents et de leurs habitudes « ringardes ». Si elle aime profondément ses parents, elle va pourtant avoir honte d’eux, culpabiliser d’avoir honte et ne plus savoir comment se dépêtrer de cette histoire. Quand en plus la prof de maths la tyrannise et qu’Aron (sujet de ses premiers émois) la défend avec moult maladresses, elle pense toucher le fond !
Claire Castillon croque la vie collégienne avec malice, elle pose un regard amusé, sensible et tendre sur ces enfants qui sont passés du côté des grands (mais aimeraient parfois être encore petits). Que ce soit en littérature jeunesse ou adulte, elle aime faire un pas de côté et c’est toujours réussi, on se sent au plus près des émotions de Guilène, tiraillée entre l’envie d’appartenir au groupe et celle de ne pas trahir ses vieux parents. Heureusement, elle peut justement compter sur eux pour l’aider à tracer sa route et s’affirmer avec ses différences ! Loin du « c’était mieux avant », l’autrice défend un mode de vie, où on prend son temps pour être ensemble, où l’on s’écoute et se fait confiance (des concepts qui se font plutôt discrets chez les copains branchés de Guilène). Le texte est rafraîchissant, le ton espiègle et la plongée au cœur d’une classe de 6ème, saisissante de réalisme !
Un petit regret, que les noms de métiers ne soient pas féminisés, surtout quand ingénieur pourrait devenir ingénieuse ;)
(Fabienne)
Et de la même autrice en section jeunesse :