« Elle a découvert que la seule façon de voir dans le monde autre chose qu’une histoire de perte est d’y voir une histoire de changement »
Coup de cœur pour ce roman hors du commun qui cultive l’optimisme avec subtilité. Seule restait la forêt, c’est le roman d’un bout de terre en Nouvelle Angleterre sur 400 ans. Au 17è siècle, un couple de jeunes amoureux en fuite s’y installe, dans une forêt au pied d’une montagne, un ruisseau coule non loin, ils n’ont en poche que quelques graines de courges et de maïs. Quelques décennies plus tard, c’est un homme qui s’y installe avec ses deux filles : il a découvert là un pommier dont les fruits sont exquis et se lance dans leur culture. Les jumelles prendront le relai et leur histoire est fascinante. Elles mourront sans descendance mais d’autres, beaucoup d’autres suivront, quelques fantômes semblent aussi hanter les murs. La cabane de départ se transforme, devenant d’abord une maison modeste, un logis cossu, puis encore autre chose. Les différents propriétaires ne connaissent que des bribes infimes de ceux qui les ont précédés, pourtant chacun imprime son passage dans ce lieu. Si la maison change, la nature qui l’entoure aussi et elle a une très forte présence dans le roman : les animaux, les arbres mais aussi les vents ont une influence sur les vies qui se jouent ici. A côté de cette nature immuable, éternelle même si elle se modifie, le caractère éphémère de nos destinées humaines s’impose. Rien de tragique dans cet ordre des choses, David Mason témoigne au contraire de l’importance de chaque existence, aussi ordinaire soit-elle, dans le cycle plus large de la vie, et de la rémanence des traces que chacun et chacune laisse. Une réflexion apaisante sur le temps qui passe…
Pas une longueur dans ce surprenant roman, il change de forme selon les personnages que nous suivons : lettres, chansons ou rapport de médecin rythment le texte, l’écriture est délicate et certains passages sont franchement drôles. Une galerie de personnages plus ou moins sympathiques, plus ou moins fantaisistes mais on sent l’indulgence de l’auteur pour chacun d’entre eux. Enfin, une fin généreuse et audacieuse à souhait, qui nous fait refermer le livre avec le sourire.
Fabienne