« Je me suis reprogrammée.
Il y aura un dedans et un dehors.
La vie imposée et la mienne.
A l’école et dans la rue, je serai celle qu’on veut que je sois.
A la maison celle que je veux être »

C'est un monologue intérieur qui ouvre le roman : une jeune fille, au cœur d’une manifestation grimpe sur une grosse poubelle, son voile à la main, et s’exhorte elle-même à sortir son briquet pour y mettre le feu. Le texte en vers libres, les phrases très courtes, le « tu » que la narratrice, du haut de ses 16 ans, s’adresse à elle-même, disent l’urgence, l’exaltation mais aussi la peur. Puis, la scène s’arrête brutalement juste avant le passage à l’acte, laissant le lecteur ou la lectrice en suspens.

Chapitre suivant, on rembobine : Badjens, c’est le surnom que sa mère a donné à Zahra, née en 2006 à Chiraz en Iran, au grand dam de son père et de son grand-père qui espéraient tant un garçon ; c’est d’ailleurs parce que l’avortement (illégal) était trop coûteux qu’elle a pu voir le jour. Dès lors, son père n’aura de cesse de la museler, d’étouffer chez elle toute velléité de liberté. Zahra/Badjens, deux noms pour dire la dualité qui habite la jeune fille : Zahra répond aux attentes, cache ses cheveux sous son voile et sauve les apparences mais quand les portes se referment et que le père est absent, Badjens, couverte par sa mère, « complice silencieuse de [son] émancipation", trouve le moyen de contourner les interdits comme des milliers de jeunes Iraniennes. En elle couve la colère, la rébellion et lorsque en 2022 Mahsa Amini meurt, elle rejoint les manifestations : la boucle est bouclée, retour au 1er chapitre.

Le roman illustre la violence du système patriarcal imposé par les ayatollahs, une tyrannie relayée par les pères, les oncles, les cousins et parfois par les femmes elles-mêmes. Ces personnages de papier nous permettent d’imaginer ce que c’est d’être une femme, une fille en Iran ; Badjens, c’est une histoire de révolte, d’insoumission, mais aussi une histoire d’émancipation, une soif de liberté et une ode à l’amitié. Une écriture dépouillée, des phrases qui claquent et une construction en flashback qui dès le départ imprime une tension dramatique qui ira crescendo et laisse peu de répit. Badjens se lit d’un seul souffle, les dernières lignes nous laissent stupéfaits : tout est allé très vite, on n’a rien vu venir !

Fabienne

 

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