"On ne fuit pas un malheur, on va vers un espoir, l'espoir d'une porte"
L’été 1996, 300 Sans-Papiers, hommes, femmes et enfants, s’installent dans l’église Saint-Bernard du quartier de la Goutte d’Or à Paris, quelques-uns d’entre eux entament une grève de la faim. Depuis quelques mois déjà, ils se battent pour obtenir la régularisation de leur situation en France, mais face à l’indifférence, ils décident de frapper les esprits en occupant un lieu de culte. Celui-ci n’est pas choisi au hasard : ils peuvent compter sur le soutien le Père Henri Coindré qui les accompagnera jusqu’au jour de l’évacuation, le 23 août. Le mouvement, mené par Madjiguène Cissé, est très structuré, seuls les porte-paroles communiqueront avec les medias, différentes commissions permettent d’organiser la vie sur place et de répondre au mieux aux besoins essentiels.
Si certains ont pu suivre l’évènement en « spectateur » via les media il y a 30 ans, c’est bien à l’intérieur même du mouvement que nous place Gauz, nous sommes nous aussi dans l’église, au cœur d'une lutte pour la dignité et la liberté et contre la précarité… Le mouvement des Sans-Papiers était animé par les valeurs de solidarité, d'esprit collectif et l’auteur le rend à merveille. Ici le roman, est transcendé par son écriture et par sa forme : le récit se rapproche du théâtre et l’oralité est l’une des grandes forces du texte : c’est un chœur de voix qui s’exprime, sans que nous sachions qui prend la parole, sauf lorsqu’il s’agit de Madji, femme ô combien charismatique. Le lecteur en est déstabilisé au début, en perte de repère (ça fait parfois du bien) mais finit par se prendre au jeu de l’écriture, qui en devient jubilatoire. Les dialogues regorgent d’images, d’adages, souvent drôles et sagaces. Gauz est caustique et il ne nous ménage pas, nous mettant face à nos préjugés face à l'autre, l'étranger, le sans-papier, celui qui ne nous ressemble pas, face aussi à nos bons sentiments, mais il ne s’épargne pas lui-même, la satire n’est pas loin. Un texte salutaire qui résonne fortement aujourd’hui.
Fabienne