« Les gens des montagnes ne se battaient pas pour défendre un privilège ou une propriété privée mais pour un bien commun »
Zita est agronome, originaire d’un village des Pyrénées, sa famille vit de l’élevage des moutons. Après avoir couru le monde, la voilà de retour au pays, elle retrouve les siens, en particulier Petit Mère, sa grand-mère presque centenaire, mémoire vive de la famille, elle transmet les légendes anciennes. Mais l’ambiance au village est tendue : les éleveurs, dont les troupeaux à l’estive sont régulièrement décimés par l’ours, s’opposent aux défenseurs de la réintroduction de l’ursidé, généralement des citadins qui focalisent sur le retour du grand mammifère sans en appréhender concrètement les enjeux. Très vite, Zita rencontre Pierrick, justement l’un de ces néo-ruraux ; s’il n’est pas le plus radical des opposants aux bergers, il manifeste néanmoins « l’enthousiasme béat des naïfs ». C’est la rencontre presque impensable de deux mondes et leur amour, pourtant fulgurant, sera mis à l’épreuve, d’autant que l’ex compagne de Pierrick, Émilie, jalouse et possessive, impose une présence dévorante auprès du couple ; la petite Inès, née de cette première union mais pas de la dernière pluie n’arrange rien : Pierrick se montre incapable de poser des limites.
Si Maylis Adhémar traite de la question des familles recomposées et de la délicate place des belle-mères, j’ose espérer que le tableur qu’elle dresse ici est à la marge, c’est clairement une situation d’emprise qui est décrite et Zita, seule entre un amoureux qui cherche sans cesse le compromis et une ex dont la malveillance est criante, n’a que peu d’échappatoire. J’ai aimé cet angle du roman mais c’est surtout le point de vue sur la ruralité que j’ai trouvé éloquent : j’ai aimé ce roman qui prend des chemins de traverse, loin de la bien-pensance simpliste, qui ne s’accommode pas de l’air du temps mais offre une réflexion sur la paysannerie aujourd’hui, une défense du pastoralisme. l’autrice redonne leur place aux bergers au sein de l’écosystème et rappelle que, contrairement à l’idée reçue, ce sont eux les meilleurs défenseurs de la nature. Elle évoque aussi l’élevage intensif mais là encore, nous invite à considérer l’étau dans lequel sont piégés les agriculteurs, pris entre les tenailles de l’agro-industrie : édifiant, avec des passages magnifiques, un chant au vivant et à la montagne.
Fabienne