« Il est tout de même curieux qu’un groupe dont vous ne voulez pas faire partie vous procure cependant un sentiment d’exclusion"
Lorsque Remington, la soixantaine, annonce à sa femme Serenata qu’il a l’intention de courir un marathon, elle y prête à peine attention, lui qui n’a jamais fait d’exercice, sinon pour aller de la maison à sa voiture ou faire le tour du salon. Mais lorsque le lendemain il arrive vêtu de la tenue complète du coureur, du short vert satiné jusqu’aux chaussures tendance orange (j’ai bien aimé l’étiquette du prix qui se balance sur sa nuque !), là elle réalise qu’il est sérieux et qu’il a rejoint « le gros du troupeau des clones décérébrés », c’est ce qu’elles pensent de ces nouveaux sportifs obsédés par le culte du corps et leur besoin de se regrouper. Le coup est rude, car c’était elle la plus sportive depuis son enfance, elle ne se déplaçait jamais autrement qu’à vélo jusqu’à ce que ces genoux la fassent trop souffrir.
Ce ne sera qu’une passade, pense Serenata mais son mari s’accroche à en devenir insupportable et consacre tout son temps à sa nouvelle activité, et du temps il en a vu qu’il a été viré de la société de Service des transports. J’ai d’ailleurs particulièrement aimé les dialogues lors de la commission, voire le procès, qui a conduit à son licenciement.
Avec beaucoup de justesse et pas moins de cynisme, Lionel Shriver dresse une galerie de personnages qui valent leur pesant d’or. Un petit coup de cœur pour Bambi la coach, elle est tellement vraie dans son rôle, même si bien sûr je l’ai détestée. La fille du couple c’est aussi quelque chose, à sans cesse donner des leçons de morale à sa mère depuis qu’elle a rejoint une église évangélique. Serenata, la narratrice, est formidable, tout ce qu’elle dit sonne tellement vrai, derrière une apparente sérénité elle ne mâche pas ses mots, notamment à l’intention du troupeau de sportifs qui envahit sa maison plusieurs fois par semaine.
Un gros coup de cœur !
Christine Savi