« Longtemps elle avait voulu se fondre dans les formes prévues pour elle. Se contenter de ce qu’on lui proposait. Mais il y a cette insuffisance qui la suit et la presse, et l’affame d’autre chose. »

S’en aller, c’est d’abord un bel objet, une superbe couverture, graphique, que l’on doit à Rémi Pépin, et une belle qualité de papier, alors d’emblée, on a du plaisir à l’avoir entre les mains :). Et puis on entre de plain pied dans la vie de Carmen. S’il n’y avait eu une promesse de mariage rompue et la trahison d’une amie, Carmen se serait peut-être fondue dans le moule que lui destinait son père et plus largement, la société des années folles (qui ne furent pas folles pour tout le monde !). Mais voilà, il y a cet évènement charnière dans la vie de la jeune femme qui sera à l’origine d’une rupture décisive. Elle prend conscience de sa condition de femme, de ce que cela sous-entend en termes de conformité, d’oppression, mais surtout, elle comprend que le corps des femmes est l’instrument de leur soumission : des corps empêchés, forcés, contraints ; Carmen refuse de plier. Elle choisit de se libérer du carcan social, patriarcal et de tendre toujours vers la liberté. Sophie d’Aubreby nous raconte l’histoire d’une femme affranchie, à travers son corps notamment. Le corps libéré, d’abord en incarnant un homme, puis grâce à la danse, le corps aimant, désirant, les mains qui réparent les corps des autres, le corps déporté, torturé, le corps qui se reconstruit, puis le corps qui vieillit.

J’ai beaucoup aimé ce texte, peut-être davantage la première partie que j’ai trouvé saisissante. Il y a une acuité du regard, une posture solide, affirmée qui m’ont enchantée. Une écriture tantôt précise, (un passage brillant et assez définitif sur ce que c’est qu’avoir un corps d’homme, des descriptions superbes qui font appel aux sens),  tantôt aérienne, qui évoque, suggère, et distille au fil des pages une douce sensualité. C’est l’histoire d’une émancipation, l’histoire d’une femme déterminée qui déroge aux règles pour vivre libre, intensément et sans compromis avec elle-même.

Fabienne

 

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