« Hasil était le genre de père à punir ses six filles pour des méfaits qu’elles n’avaient pas commis – des méfaits qui avaient surtout à voir avec les défauts des hommes »
Wren vit avec ses parents dans la montagne, au cœur de la Rust Belt. Le père, Briar, un prédicateur illuminé qui manipule les serpents et règne (de moins en moins) sur la communauté en annonçant un miracle à venir, Briar donc, les cache dans les hauteurs, soi-disant pour les préserver mais, on le comprend assez vite, surtout pour se protéger lui-même. Wren et sa mère vivent donc isolées, dans un confort très relatif, sans contact avec le monde. Seule Ivy, l’amie indéfectible de Ruby, la seule que Briar n’ose braver bien qu’il la jalouse, vient chaque jour les visiter. Une amitié à la vie à la mort lie les deux femmes, des promesses de soutien inaliénable pour faire front à la férule des hommes et la rigueur de la montagne. Jusqu’au jour où un accident va fracasser le fragile équilibre qu’elles ont construit et placer Ivy sous l’emprise de Briar. Il les entraînera vers le fond et elles ne pourront rien y faire…
Ce prêcheur fou et dangereux qui se construit une légende est dérangeant et la première partie m’a laissée un peu perplexe mais ensuite, quelle claque ! Le récit prend vie par les voix de Wren, de Ruby mais aussi de Flynn, un curieux moonshiner. Ils éclairent le passé, déterrent des secrets et surtout, racontent l’histoire des femmes de la montagne qui n’ont d’habitude que le droit de se taire. Elles se transmettent leur histoire entre elles et à voix basse, celle des femmes que les Appalaches retiennent prisonnières et qui doivent ruser pour échapper à la brutalité de leurs pères, de leurs maris. Un texte brut, sombre, une histoire d’amour, de choix, de peur et de violence dans une nature majestueuse mais impitoyable. Un roman grandiose qui donne corps à l’idée de sororité dans ce qu’elle a de plus généreux. Ce premier roman est un tour de force, Amy Jo Burns fait une entrée éclatante dans le nature writing, et c’est plutôt chic que le genre se féminise :)
(Fabienne)