"Vous marchez vraiment comme un garçon... - Une fois débarrassée des jupons qui m'engoncent, j'ai deux jambes comme tout le monde !"
Malgré l’enthousiasme général autour de Peau d’homme, j’ai mis un peu de temps avant de me décider à m’y plonger, car oui, je l’avoue, je n’ai pas été tout de suite emballée par le dessin. Et pourtant, le libraire me l’avait dit : « dès que tu vas commencer, tu vas la dévorer». En effet,nous voici tout de suite embarqués dans l’Italie de la Renaissance où les jeunes gens sont mariés par intérêt et non par amour : il ne manquerait plus que ça ! Le mariage est une convention sociale mais peu importe aux hommes qui peuvent mener une vie parallèle plus ou moins librement s’ils restent discrets. Les femmes sont quant à elle assignées à la fidélité et à la soumission, l’église se charge sinon de châtier les pécheresses. Bianca, si elle accepte le mari choisi par sa famille aimerait tout de même le connaître avant le mariage : cette faveur lui sera refusée mais sa tante, secrètement, lui offre une peau d’homme. Devenue Lorenzo elle peut s’introduire dans les cercles masculins et rencontrer Giovanni, son promis. C’est le début d’une grande aventure, face au monde qu'elle découvre, Bianca/Lorenzo mène la résistance, s’élève contre les discriminations sexistes et revendique la liberté sexuelle, tente de faire évoluer le regard sur le corps féminin et de faire valoir quelque part un « female gaze ». Tout cela face au fanatisme religieux imposé par Angelo, son propre frère qui voue à la damnation quiconque (mais surtout les femmes) ose défier une prétendue loi divine (ou plus simplement, ose s'amuser, aimer, faire la fête). Bianca, mariée à Giovanni, va chercher à se faire aimer et désirer par lui, hélas, le jeune homme, conquis par Lorenzo ne peut l’oublier…
Une histoire qui se situe à quelques siècles de distance mais qui est d’une incroyable actualité : les choses auraient-elles donc si peu évolué ??? Résolument féministe, Peau d’homme est un régal, une réponse joyeuse et enlevée aux obscurantistes, aux grincheux et autres réactionnaires qui cultivent encore aujourd’hui une pensée d’arrière-garde au sujet des femmes mais plus généralement de l’amour, de la sexualité et du genre. Bianca est une femme lumineuse, pleine d’audace et de détermination. Et le dessin me direz-vous ? Et bien il est surprenant au premier abord mais s’accorde parfaitement au style percutant du scénario, il est malicieux à l’occasion, surtout lorsqu’il s’agit de Bianca ; c’est la représentation un peu naïve, stylisée, de Bianca sur la couverture qui ne m’avait pas retenue : réserves oubliées dès les premières pages ! Un gros coup de cœur
(Fabienne)