"Je veux rompre, ça marche pas, c'est pile à ce moment-là que tu m'as dit Toi qui aimes bien les secrets, tu veux savoir ? Je suis enceinte"
Et bam ! Le piège se referme... Dans Ma grande, Claire Castillon donne la parole à un homme dont la vie va devenir infernale auprès de sa femme, toxique, perverse, méchante, jalouse, radine et j'en passe. Il y a eu des signes avant-coureurs très vite, mais très vite aussi, elle est tombée enceinte. Le narrateur était content de devenir père, mais surtout, il s'est dit qu'il ne pouvait pas laisser sa fille seule avec sa mère. Et l'engrenage se met en marche : plus de vie sociale, soumission pour avoir la paix, calculs pour éviter les crises, qui surviennent quand-même.
Le narrateur bien-sûr s'assure l'empathie du lecteur mais pas de façon excessive non plus : on a plutôt envie de le secouer pour le faire réagir. Dominé par la peur, chacune de ses tentatives pour se libérer sera un échec. Il est sympathique mais on ne peut s'empêcher de le trouver un peu mou, ses ambitions dans la vie sont basiques, normées : le pavillon, la piscine, le barbecue du week-end pourraient suffire à le rendre heureux si sa femme ne s'obstinait pas à le contredire, à l'humilier, à le détruire... Il lui faudra attendre 15 ans pour trouver une solution (certes, radicale... )
Claire Castillon est une autrice que j'aime beaucoup, elle suit une ligne très personnelle sans jamais chercher d'où vient le vent. Les femmes qu'elle met en scène dans ses romans et nouvelles sont souvent un peu folles, tordues, borderline, fragiles, à contre-courant des femmes héroïques qui sont majoritairement mises en avant dans la littérature, surtout depuis le mouvement #MeeToo. Un récit noir, si criant de réalisme que c'en est effrayant. Jamais elle ne tombe dans le sentimentalisme, elle décrit assez froidement une condition de couple qui est un long naufrage, avec ce titre magnifique et néanmoins ironique puisqu'il laisse supposer une tendresse qui n'existe plus (si elle a existé un jour). Le roman se lit d'une traite, le lecteur est lui aussi sous emprise !
(Fabienne)
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