"Je vous écris dans le noir. De l'obscurité dans laquelle mon crime m'avait jetée, bien sur, mais aussi de celle qui terrorise les enfants, remplie de monstres et de fantômes"
Jean-Luc Seigle vient de mourir durant cette période de confinement, c'était une voix singulière de la littérature française. Les écrivains ont ce privilège de pouvoir continuer à vivre à travers leurs mots alors pour lui rendre hommage, et vous donner envie de le lire, cette petite note de lecture d'un roman paru en 2015 et qui a fait partie de la sélection du prix Louis Guilloux cette année-là.
Le crime de Pauline Dubuisson (elle a tué son amant) et son procès ont, en leur temps, défrayé la chronique. La vindicte populaire la déclare d'emblée coupable et la condamne à mort sans même chercher à comprendre "cette vérité que tout le monde réclame mais que personne ne veut entendre !". Malgré les efforts de son avocat, son procès ne sera qu'une mascarade, le jury assouvira sa soif de vengeance et de retour à l'ordre moral quelques années après la fin de la guerre.
Pour la mort de Félix, elle sera donc condamnée à perpétuité. Henri-Georges Clouzot qui, dans La Vérité revient lui-aussi sur ce fait divers, ne donne qu'une image tronquée de la réalité, se conformant en tout point à ce qu'attendait et ce que pensait le public à l'époque. Il invente d'ailleurs une sœur à Pauline, qui serait la part "blanche" de la jeune femme, ne pouvant imaginer que plusieurs facettes cohabitent dans la même personne, Pauline elle-même l'a fort bien compris quand elle a vu le film.
Jean-Luc Seigle réhabilite Pauline Dubuisson et lui donne la parole, c'est un texte très réussi, subtile, un peu long à débuter mais dès que l'on fait connaissance avec André, le père de Pauline et que l'on commence à entrevoir la psychologie familiale, les relations qui lient les uns aux autres, le récit devient passionnant. La relation au père, ambigüe, compliquée, est particulièrement bien rendue et elle amène tout naturellement à la mère, discrète, effacée, épanouie seulement dans sa cuisine, suite à un traumatisme de guerre. Elle est la seule peut-être à avoir aimé Pauline sans condition. Une famille que les guerres, les traumatismes des guerres vont affecter particulièrement. Je ne sais pas quelle est la part de fiction dans ce récit, ce que Jean-Luc Seigle doit à son imagination mais peu importe, son récit est une belle surprise... A découvrir aussi : En vieillissant les hommes pleurent
(Fabienne)
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