"La pratique de la crémation réalise donc pour le corps propre le programme d'un magasin en dépôt de bilan : "Tout doit disparaître""
Christian Godin est philosophe et l’auteur de nombreux livres dont le tout récent Ce que sont devenus les péchés capitaux, disponible lui aussi à la bibliothèque. Dans Les Lieux communs d’aujourd’hui, il traque et décrypte en une cinquantaine de chroniques et avec une plume jubilatoire les expressions, stéréotypes et abus de langage que l’on emploie à tort et à travers, mais dont l’usage revêt parfois un côté absurde ou flirte avec la bêtise. Force est d’admettre qu’ils sont bien confortables ces lieux communs, admis comme vérités absolues et qui nous dispensent souvent de penser. Ainsi sont passées au crible les expressions comme « j’ai ma conscience pour moi », « se changer les idées » ou encore « dans la plus stricte intimité » mais aussi l’utilisation excessive du verbe « gérer », employé bien souvent d’ailleurs sans complément d’objet : « je gère » dans la vie personnelle et familiale, comme s’il s’agissait d’une véritable entreprise. Il prend le contrepied de certaines évolutions communément admises comme des progrès, ainsi de la libération sexuelle, dont il ne remet pas en cause l’existence mais qu’il nuance en rappelant qu’elle a « été doublée d’un ensemble de contraintes normatives » et qu’elle « plonge la grande majorité des individus dans un sentiment aggravé d’insuffisance personnelle ».
Ce livre est délicieux, Christian Godin pose un regard lucide sur notre société occidentale avec une petite touche de mauvaise foi par ci par là (son article sur la domination masculine me laisse perplexe), et s’il n’y va pas avec le dos de la cuillère, l’humour n’est cependant jamais très loin, notamment dans les chutes, percutantes et un brin mordantes : « Le vieux qui se croit jeune n’est pas si éloigné que cela du fou qui se croit immortel ». Certains articles sont tout de même de véritables mises en garde et ne prêtent pas du tout au rire ("Ca ne pourrait pas être pire"). Après la lecture, il est certain qu’on y pensera à deux fois avant de reprendre certains poncifs !
(Fabienne)
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