« Depuis longtemps il avait compris que toutes ces choses auxquelles vous, sa mère, lui aviez appris à croire sous les mots honneur, courage et patriotisme, n’étaient que des mensonges ».
Les Etats-Unis se sint engagés dans la Grande Guerre il y a tout juste 100 ans, l'occasion de reparler de ce livre...
Rarement roman polyphonique n’aura aussi justement porté son nom. En effet, pas moins de 113 hommes prennent ici la parole, tous membres de la Compagnie K envoyée au front lors de la Grande Guerre. Du soldat au capitaine, une multitude de « petites » voix pour retracer une histoire collective, pour dire la faim, la peur, la crasse, la mort mais aussi parfois pour se faire l’écho d’anecdotes médusantes, tel l’alcool refusé aux américains pour ne pas choquer l’Union des femmes chrétiennes en cette période de prohibition ! Le récit offre parfois différents éclairages de la même scène, notamment celle de l’exécution des prisonniers : il en ressort un profond sentiment de malaise ; ces hommes, qui ont la trouille chevillée au corps ont aussi honte et se dégoûtent eux-mêmes pour ce qu’ils sont forcés d’infliger à leurs ennemis, des hommes qui pourtant prient le même dieu et lui demandent de les épargner eux aussi. Quelques rares soldats, ayant perdu toute trace d’humanité se défoulent avec une cruauté sans nom sur les Allemands, mais la plupart d’entre eux témoignent de l’absurdité de la guerre, ce sont des hommes revenus de tout et surtout des beaux discours patriotiques, désenchantés, et qui refusent les honneurs (le récit du soldat inconnu est éloquent).
Ce récit, publié aux Etats-Unis en 1933 est traduit pour la 1ère fois en français grâce au beau travail des éditions Gallmeister. William March (en qui on reconnaît le 1er narrateur) a lui-même été incorporé en 1917, c’est donc en quelques sortes un récit de l’intérieur servi par une écriture dépouillée, empreinte de cynisme, pour dire au lecteur que la guerre n’est pas ce qu’on veut nous faire croire. Il nous parle d’une guerre effroyable, inhumaine et il laisse libre cours aux sensations et aux sentiments des hommes pour en témoigner. C’est aussi un texte très bruyant, dans le sens où l’on entend les obus tomber, les balles siffler, les hommes hurler, contrastant ainsi avec « la jolie campagne qui fleurit partout ».
(Fabienne)