"Après avoir arraché tout ce qu'ils pouvaient aux sociétés et gouvernements étrangers, après avoir vendu pour une bouchée de pain presque toutes les ressources naturelles du pays, le président et ses collègues passaient maintenant à l’auto-cannibalisme : ils se mettaient à dévorer leurs congénères en commençant leur repas par les plus nombreux et les plus mal défendus, à savoir les plus pauvres."
Dans ce roman paru à l'automne 2005 Russell Banks imagine une américaine, Hannah Musgrave, la soixantaine, responsable d'une ferme écologique. Le récit qu’elle nous livre est presqu’une confession, elle revient sur son parcours, parfois chaotique : activiste politique dans sa jeunesse, membre d'un mouvement révolutionnaire (le Weather Underground), elle a dû fuir son pays et se réfugier au Ghana d'abord, puis au Libéria, sous une fausse identité. Là, elle a épousé le ministre de la santé, Woodrow Sundiata et mis en place un sanctuaire pour sauver les chimpanzés, menacés par les laboratoires pharmaceutiques américains. Dix ans plus tard, il lui faut fuir à nouveau, pour échapper à la guerre civile qui fait rage dans le pays ; son mari est cruellement assassiné et elle laisse derrière elle ses fils.
Ce roman est absolument renversant, il mêle fiction et Histoire, l’auteur pointe les relations douteuses qui unissent les Etats-Unis et le Libéria. L'héroïne, étrange, pas vraiment sympathique, a une personnalité complexe, et est en quête de sa véritable identité, c’est pourquoi elle retournera en Afrique bien plus tard afin de clore une histoire brutalement interrompue, d'y mettre un point final. Elle nous offre une vision froide, sans complaisance de sa vie mais sans jamais non plus porter de jugement. On se laisse fasciner dès les 1ères pages par ce récit engagé, sous la plume d’un auteur dont les qualités d’écriture ne sont plus à prouver
(Fabienne)