"Il en aimait jusqu'au nom comme coupé au milieu, inachevé, foudroyé net - la Crau. Avec ses sonorités de commencement du monde, vaguement préhistoriques, évocatrices de steppes encore peuplées de fauves à dents de sabre"
Après l’Algérie et la Guinée Bissaü, ce nouveau roman de Sylvain Prudhomme nous promène dans la vallée de la Crau, près d’Arles, désert de pierres, décor de far-West, où apparaissent seulement ici ou là quelques bergeries. Nel, enfant du pays, est photographe et aide son ami Matt à réaliser un film sur la Churaskaïa, discothèque mythique des années 70, qui réunissait dans une « exubérance joyeuse » des noctambules de tous horizons. La « Chu » est emblématique d’une époque, marquée par l’insouciance et la liberté avant que les années 80 puis 90 n’imposent un sombre rappel à l’ordre. Partir de la boîte de nuit pour le film, c’est aussi un prétexte pour rencontrer les gens, les faire parler, faire remonter leurs souvenirs, souvent emprunts de nostalgie. Au fil des discussions, les figures de deux frères, Fabien et Christian émergent, sortes d’Icares contemporains, ils se sont brûlés les ailes, chacun à sa façon et ont incarné « une vérité des années qu’ils [ont] traversées ». Légende est aussi un roman sur l’amitié, sur les bergers, sur la filiation...
C’est toujours un bonheur d’ouvrir un livre de Sylvain Prudhomme, de retrouver la force tranquille et la volupté de son écriture, la finesse de son regard, qui mêle habilement la réalité au romanesque. Un petit bijou littéraire !
A propos de la Chu :
"Sur ce lent déclin Matt avait sa théorie : la magie tenait à l'innocence. A l'absence de mots mis sur les choses. Dès que la fête prenait conscience d'elle-même elle se corrompait, se déformait, perdait son âme. La grâce s'évanouissait. Au pur présent se substituait un temps perverti, mêlé de jubilation d'en être, d'appréhension que tout finisse, presque de mélancolie déjà. Ca l'avait frappé à la radio : la violente nostalgie des témoins. L'espèce de mythe que tous s'accordaient à saluer quarante ans après. Répétant paradoxalement qu'alors personne ne s'en rendait compte. Que précisément tout tenait à cela : la parfaite insconscience collective de ce qui se passait".
(Fabienne)
Sylvain Prudhomme à propos de son livre :
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