lafon"Ce qu'elle accomplit ce jour là, personne ne sera capable de le raconter, ne restent que les limites des mots qu'on connaît pour décrire ce qu'on n'a jamais imaginé."

Le roman s’ouvre sur l’épisode des JO de 1976 alors que Nadia Comaneci décroche les fameux 10/10 historiques, qui détraquent les tableaux de notation. Puis, Lola Lafon remonte le temps, l’ouverture de l’école de de gymnastique par celui que l’on appelle le Hongrois à Onesti, sa rencontre avec Nadia qui n’est pas forcément la plus douée mais la plus casse-cou, la plus rapide, la plus tenace. Le roman, puisque c’en est un, se termine aux Etats-Unis, quelques mois après la fuite de Nadia, fin novembre 1989. Et entre temps, le récit est terriblement dense. Ce n’est pas une biographie car l’auteur, si elle s’est beaucoup documentée ne prétend pas détenir la vérité, les versions se contredisent souvent : celles de Bela (l'entraîneur), celles de Nadia (qui réécrit souvent les faits), celles des témoins et celles des archives de la Securitate. Disons qu’au-delà de la vie exceptionnelle de la gymnaste, deux idées principales se dégagent du texte. La 1ère est une réflexion sur le corps féminin à partir de l’exemple de Nadia, et cette idée est développée du début à la fin. Le corps de ces petites gymastes est ouvertement un objet de fantasmes, tant à l’ouest qu’à l’est, et lorsqu’en 1977 le corps de Nadia change, lorsqu’elle perd son aspect virginal, elle tombe en disgrâce, perd son aura et subit les reproches de son entraîneur, les articles odieux des journalistes... On condamne ce corps de femme comme s'il était coupable.

L’autre idée défendue par Lola Lafon concerne l’image de la Roumanie en occident, aujourd’hui. Elle rappelle très justement qu’au début des années 70, Ceausescu était considéré comme le Kennedy de l’est pour son esprit d’ouverture. Elle proteste contre la vision manichéenne des occidentaux et à plusieurs reprises rappelle la complexité de la situation. Pour évoquer cette idée, Lola Lafon a recours à un étrange procédé : la narratrice du roman (supposée être elle) s’obstine à vouloir dénoncer les manipulations du Parti, l’utilisation de l’athlète comme objet de propagande (notamment pour la politique démographique du pays), les terribles conditions de vie, la surveillance et le soupçon permanents, le manque de liberté(...), et Nadia, dans sa correspondance (fictive) n’aura de cesse de rétablir la balance sur un ton souvent très sarcastique.

Un excellent roman, qui dépasse de loin la biographie ; une narration audacieuse, Lola Lafon s'est emparé d'un mythe et en restitue toute l'ambivalence.

(Fabienne)

Auteur ·trice Lafon, Lola (1974-...) (Auteur)
Titre(s) La petite communiste qui ne souriait jamais : roman / Lola Lafon.
Edition Arles : Actes sud, 2014.
Collection(s) (Domaine français).
Genre(s) et thème(s) Adulte,Littérature française,Historique,

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