little charlie"On m'a toujours dit qu'les gens d'couleur sont pas comme nous, qu'ils ressentent pas les choses comme les blancs, qu'ils aiment pas leurs enfants pareils, qu'ils aiment rien que travailler comme des brutes et dormir. On m'a toujours dit qu'ils avaient même pas d'âme"

Nous sommes en Caroline du Sud en 1858, Little Charlie est le fils de métayers blancs qui vivent pauvrement et n’ont pas d’autres perspectives que le dur travail des champs pour survivre. Après la mort accidentelle du père et pour régler une dette, le garçon d’à peu près 12 ans, va devoir accompagner le contremaître de la plantation voisine dans le Nord à la poursuite de soi-disant voleurs. Ce contremaître, le Captain, est un homme tyrannique, tortionnaire envers les esclaves qu’il considère encore comme des sauvages. Très vite, on comprend avec Little Charlie qu’en fait, ce ne sont pas des voleurs qu’ils poursuivent mais des esclaves ayant réussi à s’enfuir et rejoindre le Nord libre. Little Charlie s’en étonne mais ne s’oppose pas et va être plutôt actif dans la traque qui les mènera au Canada. Mais il est intelligent, sensible et petit à petit, après avoir rencontré les fugitifs et au contact des militants (noirs et blancs) pour la libération des esclaves et les droits des Noirs, il va réfléchir et remettre en question ce qu’on lui toujours répété à leur sujet.

La longue route de Little Charlie est un excellent roman à plus d’un titre. Il y a d’abord la langue : le récit est à la 1ère personne, c’est Little Charlie qui parle et il nous plonge dans l’atmosphère du Sud rural, le style est oral, les dialogues sont foisonnants, les accents sont délicieusement rendus avec par exemple, les voyelles avalées : on se régale à la lecture. La langue est malicieuse, très imagée, avec de jolies métaphores. Viennent ensuite, les personnages : ils sont très incarnés, l’infâme et effrayant Captain mais surtout Little Charlie lui-même, candide, naïf, sa vie de labeur ne lui a pas vraiment laissé le temps de réfléchir et puis, il est jeune, il a juste intégré ce qu’on lui a toujours dit sur les Noirs, l’esclavage etc. Son périple vers le Nord sera initiatique. D’abord surpris (mais pas du tout choqué) par la place accordée aux Noirs dans le Nord, ce sera le début d’un long cheminement, il réinterrogera ce qui semblait immuable. L'auteur ne cache rien en ce qui concerne les idées racistes ancrées dans l'esprit des blancs au XIXème siècle, quitte à ne pas nous ménager, et il a bien raison. Enfin, 3ème point fort : la contextualisation du récit, C. P. Curtis aborde un fait historique peu connu : le droit pour les esclavagistes de poursuivre les fugitifs dans le Nord et de les ramener chez eux où ils étaient bien souvent torturés pour leur faire passer l’envie de recommencer. On découvre aussi la situation au Canada : le contraste avec les états américains du Sud est saisissant. Coup de cœur ! (dès 12 ans)

(Fabienne)

 

 

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