"J'avais compris d'un coup que les mots avaient leur propre vie, et que, en les assemblant, parfois, on pouvait faire naître un truc proche de la magie"
Voici encore un très beau roman de Jean-Philippe Blondel. Le scénario tient en 2 lignes (ou presque me connaissant !) : Aurélien, nouveau dans son lycée, n'aspire qu'à une chose, passer inaperçu, se fondre dans la masse, ou mieux : se faire oublier. On devine qu'un drame, quatre ans auparavant l'a anéanti. Mais voilà que Thibaud (avec un d) va le forcer à sortir de sa coquille, à se refaire des amis et à reprendre goût à la vie, puis, grâce au slam, l'aider à mettre des mots sur son histoire et à dépasser la catastrophe, à vaincre son sentiment de culpabilité aussi. (Oui, un peu plus que 2 lignes donc !).
C'est avec beaucoup de talent, comme toujours, que Jean-Philippe Blondel nous livre cette histoire, celle d'une renaissance. Le récit, à la 1ère personne, est très subtile : le lecteur entrevoit peu à peu le drame grâce à des phrases à double sens, mais dont les mots ont toujours trait au froid, à la glace : "Je suis né dans une famille comme n'importe quelle autre, j'y ai grandi et puis un jour, tout a basculé. Il paraît que ça arrive à tout le monde - on croit être sur de la terre ferme, mais en fait, c'est un lac gelé et la glace craque", "Maintenant que je secoue la poudreuse sur mes vêtements..." et tant d'autres phrases, jusqu'au texte slamé qui retranscrit les événements funestes. On retrouve aussi ici, comme dans d'autres romans de Jean-Philippe Blondel, le regard cynique de l'adolescent sur ses parents, même si à l'occasion, ce regard est plus tendre, l'ensemble est teinté d'une touche d'humour propre à l'auteur ; le père est assez inconsistant, autre persistance "blondellienne" si l'on peut dire ! Mais enfin, c'est un texte très beau, très émouvant, Jean-Philippe Blondel est généreux envers ses personnages et particulièrement avec Aurélien, (en même temps, il ne le ménage pas non plus), ici encore, il dit toute sa confiance envers les jeunes pour transcender les drames (et il sait de quoi il parle !), jamais il ne tombe dans l'emphase, le théâtral au contraire, tout se passe en douceur. Et c'est parce qu'elle est si douce et qu'elle se fait à son corps défendant que cette reconstruction nous touche autant. A mettre entre toutes les mains !
(Fabienne)