"On était avant tout des hommes et des femmes, avec des histoires, des parcours de vie différents. Qui tentaient de construire leur futur sur les ruines de leur passé. Et qui avaient des capacités d'espoir démesurées."
Retour à Lampedusa dans la maison familiale pour Mila, le temps des vacances. Cela fait 5 ans qu'elle n'y est pas venue, depuis le drame qui a secoué sa famille, elle avait alors 12 ans : son petit frère de 5 mois est mort, plongeant sa mère dans une profonde dépression. Dès lors, tout a changé, Mila regrette le temps « d'avant », celui ou ils étaient unis, heureux ; désormais, elle préfère être interne et s'éloigner de ses parents. Ce mois de juillet, elle sillonne l'île à vélo du matin au soir, seule, ruminant ses regrets, jusqu'à sa rencontre avec Paola, une jeune fille lumineuse de deux ans son aînée et qui va lui ouvrir l'horizon
Les voix d'autres adolescents se mêlent à celle de Mila, au fil des chapitres. Ce sont des Érythréens, victimes de la dictature dans leur pays et qui, tous, prendront le chemin de l'exil, au risque de mourir, pour échapper à la répression, aux camps de travail forcé, aux arrestations et à la prison.
Un roman qui touche avec beaucoup de finesse à un sujet brûlant aujourd'hui. Grâce au personnage de Mila, auquel il est possible de s'identifier (sans pour autant partager son histoire familiale), Annelise Heurtier, parle de ceux que l'on regroupe communément sous le terme de migrants, sans jamais être didactique et c'est là son talent. Qui sont-ils ? Pourquoi partent-ils ? Ont-ils le choix ? Elle humanise ces hommes, ces femmes, ces ados, leur donne une voix, un corps, un nom, les individualise quand ils sont généralement traités en masse dans les médias, comme « un problème social, une catégorie ». Elle donne aussi voix à ces italiens, résistants des temps modernes qui viennent au secours des clandestins malgré la loi répressive qui le leur interdit.
Un roman intelligent, qui aide à comprendre l'un des grands maux de notre époque, il donne matière à réflexion sans prendre partie mais sans non plus sacrifier la narration : un grand bravo !
(Fabienne)