“Tout comme les matelots qui font et refont des trains de pêche, nous prenons et reprenons des images, c'est toujours la même chose et pourtant à chaque fois différent”.
En octobre 2014, Lucile Chombart de Lauwe et Christian Lameul, de l'association paimpolaise L'image qui parle, ont embarqué, le temps d'une campagne de pêche, sur des hauturiers de l'armement Jean Porcher. Durant une semaine, ils ont capté le quotidien des pêcheurs, gestes et attitudes, et reviennent riches d'un reportage en images que nous vous proposons tout ce mois de novembre.
Présentation de l'exposition par les photographes :
La pêche, une passion, des métiers, une filière
Départ de Roscoff le 21 octobre 2014 vers 10h. Deux bateaux de l'armement Porcher : Le Lazalaï pour Lucile, la Fanette pour Christian. Direction le rail d'Ouessant, zone de pêche pour une semaine entre les voies montantes et descendantes du rail, au milieu des cargos et des porte-conteneurs. Nous partons par avis de «grand frais» des vents de force 7 à 60 km/h avec des rafales à 80 km/h. Des creux impressionnants. Nous n'en menons pas large.
Nous sortons de notre bannette pour «le filage» (mise à l'eau du train de pêche) où nous faisons nos premières photos, chacun sur son chalutier. Un rythme s’installe, un cycle de 3/4h qui recommence indéfiniment. Les coups de chaluts, un «trait» toutes les quatre heures environ. Le fameux «on va virer» lancé par le patron de nuit comme de jour annonce la remontée du chalut. Chacun doit alors être à son poste.
Dès que le poisson est ramené à bord, l'équipage le trie, le vide, le pèse, le lave, le met en caisse par taille et par espèce avant sa mise en glace et son stockage en cale. Il reste à l'équipage environ 2h pour se reposer si il n'y a pas d'avaries. Il n'est pas rare que lors d’un trait un chalut soit déchiré. Il faut alors procéder au «ramendage», le raccommodage des filets de pêche, qui empiète sur le temps de repos pour l'ensemble de l'équipage.
Heureusement, les trois repas par jour pris dans le carré permettent des moments de convivialité et de détente, entre chaque trait chacun peut aussi s'y retrouver pour prendre un café, discuter, regarder la télé. Le travail à bord est difficile. Il y a ce bruit, permanent. Le vrombissement des machines qui accompagne jusque dans les bannettes. « J’ai du perdre 30% de mon audition en 10 ans». Et les odeurs de Gas-oil et de poisson, de leurs abats. Le rouli permanent du bateau « mais nous on est habitué !». L’humidité. Le froid parfois. L’ambiance de la cale.
Quand au travail en tant que tel Il faut être précis, rapide et savoir synchroniser les gestes. Tout le monde sait ce qu'il a à faire mais doit dans le même temps être attentif aux autres. Car la mer ne plaisante pas. Il y a chez les pêcheurs une solidarité et une cohésion au travail que l'on retrouve avec l'équipe de nuit à la criée, dans tout ces métiers aux horaires décalées où tout doit être fini à l'heure. C'est un vrai travail d'équipe où l'on se comprend et on agit sans avoir besoin de parler ou presque.
“Tout comme les matelots qui font et refont des trains de pêche, nous prenons et reprenons des images, c'est toujours la même chose et pourtant à chaque fois différent”. En passerelle, c'est le patron du chalutier qui décide de la zone de pêche aidé de sa connaissance des fonds marins et du matériel informatique embarqué, tout est noté
«Sur la Fanette, les marins du bord prennent à tour de rôle les quarts de navigation. Ainsi, Il y a toujours une présence humaine en passerelle, de jour comme de nuit, assurant une veille visuelle et auditive permanente».
Pour Michaël le capitaine, tout son équipage doit savoir naviguer, mais aussi coordonner les manoeuvres de filage et de virage. A chaque trait, le poisson est pesé, noté. Entre bateau ça communique. « Et toi à combien tu en es ? » Les bateaux doivent déclarer leurs captures pour être en règle par rapport aux quotas. Ainsi chaque semaine c'est entre 10 et 13 tonnes de plus de 30 espèces de poissons qui sont ramenés par chaque bateau : saint-pierre, bar, lotte, rouget, seiche, encornet, limande-sole, turbot, raie, roussette, cabillaud... sont ainsi débarqués aux criées .
L'équipage ne reste à terre que le temps de la débarque du poisson, de récupérer des caisses propres et de faire le plein d'eau, de gas-oil, de ravitaillement avant de repartir pour une nouvelle semaine de pêche. En parallèle, des équipes travaillent le poisson aux criées d'Erquy et de Saint-Quay-Portrieux . Vers 18h l'équipe de nuit arrive. Ce sont 30 à 50 tonnes de poissons qui seront ainsi déglacés, triés, pesés et conditionnés par espèce, taille, qualité. Un travail difficile avec des températures de 7 à 8 °. Tout doit être prêt pour la vente à 5h du matin à l'arrivée des acheteurs. L’équipe de jour prend la relève, et ce sont d’autres taches qui les attendent : nettoyer les bacs, préparer la prochaine criée, gérer la débarque et la vente de coquille saint-jacques les jours de pêche.
La transformation du poisson comme les «pêcherie d'Armorique» s’attache avant tout à valoriser au quotidien les produits de la pêche artisanale bretonne. Les fileteurs découpent en filets, dos, portions, pavés, darnes, les poissons achetés le matin même à la criée et qui se retrouverons dans nos assiettes.
Lucile Chombard de Lauwe Christian Lameul