« Briac peint Brest de l'intérieur, comme un scaphandrier qui aurait trouvé un accès et qu'on observerait à travers le miroir sans tain de la grisaille, du béton, du quotidien. »
C'est avec un grand plaisir que nous accueillons Briac à la bibliothèque jusqu'au 26 septembre. Les planches exposées sont une sorte de ballade à travers son travail depuis Armen, la première bande dessinée publiée en 2008 jusqu'à Méridien, à paraître au début de l'automne prochain, en passant par Les gens du "Lao-tseu", La nuit Mac Orlan (avec Arnaud le Gouefflec au scénario) et Quitter Brest, un recueil de nouvelles d'Yvon Coquil illustrées par Briac.
Mais je laisse la "parole" à Lionel Durand, l'éditeur de Briac, qui présente l'exposition mieux que personne :
BRIAC, UN PHARE DANS LA NUIT
Mesdames, messieurs, ceci est de la bande dessinée ! Qu'on se le dise. Même si « chaque case est un tableau », comme on l'entend souvent s'agissant du travail de Briac, non, chaque case est... une case ! Il est vrai que ses premières influences sont picturales. Enfant, il est marqué par les post-impressionnistes comme Gauguin et Van Gogh, avant de leur préférer les expressionnistes, tout particulièrement Nolde et Soutine. Pour autant, Briac ne se considère pas comme un peintre qui fait de la bande dessinée. Il utilise, « simplement », une technique qu'il tente, depuis son plus jeune âge, de dompter afin de raconter des histoires. Aussi, lorsque qu'il réalise ses découpages, ses pensées vont plus vers Pratt, Tardi ou Rabaté que vers Otto Dix.
Parce qu'il est entier, parce qu'il est passionné, Briac ne baisse pas les bras face à un monde de la bande dessinée qui ne laisse désormais que peu de place à l'originalité graphique et au travail en couleur directe. En 2008, utilisant l'acrylique, il publie Armen, huis-clos de rudesse et de folie. Deux ans plus tard, avec la même technique, il signe Les Gens du Lao-Tseu, polar dans les rues de Brest où surgissent les rancœurs et les traumatismes de la Grande Guerre.
En 2014, le réalisme noir fait place à un certain onirisme lorsqu'il réalise, en duo avec le scénariste Arnaud Le Gouëfflec, La Nuit Mac Orlan. Il réussit alors le tour de force de transmettre au lecteur l’atmosphère, si particulière, de Brest vue à travers le regard de l'écrivain du Chant de l'équipage : le port, l’océan, la nuit et ses lanternes, des personnages hauts en couleur et... le « fantastique social », marque de fabrique de Mac Orlan. Pour ce faire, il mélange, ô sacrilège, encre et acrylique, et utilise le gesso pour goudronner ses fonds épais, brumeux et gorgés de matière. Accueilli avec enthousiasme par les lecteurs et salué par ses pairs, l'album obtient en 2015 le Prix du Goéland Masqué présidé par François Bourgeon et Alain Goutal.
Dans quelques mois, nous le retrouverons avec Quitter Brest où, comme le dit Arnaud Le Gouëfflec, « Briac peint Brest de l'intérieur, comme un scaphandrier qui aurait trouvé un accès et qu'on observerait à travers le miroir sans tain de la grisaille, du béton, du quotidien. Briac est un peintre de carène, qui ponce, attaché à un fil, des caisses d'obscurité jusqu'à ce que ça touche au cœur et qu'il soit à un reflet de la transparence. »
Après quoi le duo macorlanien se reconstituera pour une aventure colorée : Méridien, l’histoire d’une expédition au Pérou de savants français du dix-huitième siècle. Le premier des deux tomes devrait voir le jour en 2017.
Briac, qui aime à discuter des livres de Garcia Marquez ou des films de Wenders, se définit comme autodidacte. Il s'est fait tout seul, mais il n'aime rien plus que la compagnie intelligente et tonifiante des autres. Son art, toujours au travail, est celui de l'amitié et de la complétude. Yvon Coquil, Philippe Marlu et Arnaud Le Gouëfflec ne diront pas le contraire.
Qu'il est beau le chemin, qu'elle est belle la tribulation, celle qui mène de Armen à Méridien, contre vents et marées, et sans que jamais l'auteur ne se perde. La nuit lui appartient !
Lionel Durand (Editeur)