"Je continuai d’être qui j’étais : le fils Courge, besogneux sous les arbres, esclavé à père comme la fleur à la pluie, le suivant en sa folie de casque comme arbre sous foudre : me brûlant par feu de ciel, me déchirant puis tombant enfin, renonçant à me tenir dressé »

Le père Courge et son fils vivent dans la forêt, isolés du monde. C’est le fils qui raconte et il remonte aux origines, sa naissance, la mort de sa mère quelques heures plus tard, le chagrin de son père et la folie dans laquelle il sombre : il est « visité par des gens » et fait subir à son fils sévices et violences et pourtant, le fils voue à son père un amour inconditionnel : « D’où me venait que, malgré ses cruels mouvements à mon endroit, je le chérissais cependant plus que l’existence même ? ». Le père, qui sait lire les étoiles, est hanté par la peur de mourir, le fils quant à lui voit les morts et n’en nourrit aucune peur mais il est tourmenté par une question : son père l’a-t-il jamais aimé ? Le jour où ils sont forcés de se rendre au village pour recevoir des soins, c’est un monde que découvre le fils et une brèche qui s’ouvre...

Le récit du fils est une forme de déposition, puisqu’il s’adresse à un juge, on ne sait pourquoi mais on devine qu’un drame a eu lieu. Le jour des corneilles a quelque chose du conte, la forêt est un entre-deux mondes dans lequel cheminent deux être en rupture avec les humains. Mais ce qui fait la force de ce texte, c’est son écriture. En effet, le fils n’a pas eu accès au langage dans sa jeunesse excepté les bribes de phrases assénées par son père alors parce qu’il pense néanmoins beaucoup, il se recrée sa propre langue, un drôle de “parlement” qui n’appartient qu’à lui et fait toute la beauté sauvage du roman (on pense forcément à l’inoubliable Duke de La colline du démon aux loups de Dimitri Rouchon-Borie). Le jour des corneilles est un choc de lecture, la langue est un dépaysement total, troublante au premier abord mais que l’on rallie très vite, elle en devient jubilatoire et donne toute sa consistance au personnage, il nous parle du fond de son âme et touche au mystique. Un grand moment de littérature !

(Fabienne)

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