« Les fils sont toujours un malheur, mais, quoi qu’il arrive, une mère ne donne pas son fils »
Nous sommes à Split en Croatie. Le corps sans vie d’une ado de 17 ans, Viktorija Zeba, est retrouvé dans une usine désaffectée. La veille, elle était sortie en club avec sa meilleure amie, la soirée a viré au drame. Très vite, nous comprenons qui est le meurtrier : Mario, un jeune homme qui la connaissait à peine. Pour nous lecteurs, pas de suspense du côté de l’enquête, l’enjeu est ailleurs. Le roman est centré sur trois personnages que l’on suit tour à tour : Zvone, un policier, Katja et Inès, respectivement la mère et la sœur de Mario. Pour elles aussi, la culpabilité de ce dernier est sans appel : les indices dévoilés par la police ne laissent aucun doute. Elles sont saisies d’effroi et chacune s’enferme dans le silence. Katja conçoit un plan pour protéger son fils, et le titre prend alors tout son sens ; quant à Ines, bouleversée par cette histoire d’un côté, aux prises avec des déboires sentimentaux de l’autre, elle reste d’abord abasourdie. Une ambiance trouble, de non-dits, s’installe dans l’appartement familial, l’air devient très vite irrespirable. Mario, lui, continue de vivre comme s’il ne s’était rien passé. Parallèlement, Zvone tient un début de piste, mais son chef, pressé de boucler l’affaire, s’engouffre dans une autre voie : il a sous la main le coupable idéal.
En ce début d’automne, Split est froide, triste et une fois les touristes partis, elle prend des airs de ville fantôme. Jurica Pavičić installe son roman dans un cadre loin des décors de rêve promis par les guides de voyages et pose un regard désenchanté sur la société croate. Les usines ferment, les jeunes sont désœuvrés et les traumatismes de la guerre ne sont pas loin. Les abus de pouvoir sont légion mais chacun s’efforce de suivre la norme pour sauver les apparences et cacher sa misère. La tension dans le roman est palpable à chaque page, une tension épaisse, psychologique, qui nous tient en haleine et nous laisse pressentir que tout ça finira mal (enfin, pas pour tout le monde)…
Fabienne